Bienvenue à tous ceux qui aiment lire ...

Lire, pour moi, c'est échapper au quotidien tout en restant proche des hommes et de leurs réalités ...

samedi 27 décembre 2014

Autour du monde de Laurent Mauvignier

Editions de Minuit, 2014, 19,50€
On passe de personnage en personnage, aux quatre coins du monde, avec pour seul lien le tsunami de mars 2011 au Japon. Belle illustration de la diversité humaine.
Hélas, pas pu lire ce roman, pas pu le finir, pas pu m'intéresser à ces histoires si courtes. Question de timing ... ce n'était pas le bon moment pour moi.

Le roman a été apprécié dans mon "entourage littéraire".



dimanche 14 décembre 2014

Caprice de la reine de Jean Echenoz

Les éditions de minuit, 2014, 121 p., 13€
Il faut aimer Jean Echenoz, pour sa concision, sa finesse, sa précision un peu trop méticuleuse, son sens de l'humour décalé.
Je l'aime pour tout cela et aussi pour quelque chose d'indéfinissable qui rend ses textes tellement humains. Peut être une touche de lassitude, de fatigue face à l'absurdité de la vie, à la complexité du monde tel qu'il va, aux relations avec les autres si difficiles. Nous partageons tous cette lassitude par moment, même s'il est bon qu'elle ne dure pas longtemps ...
 Il faut voir comment, dans la nouvelle "caprice de la reine" il accumule les détails, infimes, pour bien nous rappeler que dans la vie, il y a tellement plus de petites choses insignifiantes que de grands évènements ou de grands sentiments ou de grandes satisfactions !
Et il nous mène par le bout du nez, comme le font tous les auteurs dont le métier consiste en cela même (c'est d'ailleurs le sens de sa nouvelle A Babylone, celle que j'ai préférée), pour nous amener à une chute pleine de dérision et de philosophie.
On sourit souvent en lisant ce recueil de 7 nouvelles à l'humour distancié. Un bonbon.
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vendredi 5 décembre 2014

La guerre d'Alan d'Emmanuel Guibert

L'Association, 2013, 28€, 298 p., noir et blanc
Quand on  lit "la guerre d'Alan " et "l'enfance d'Alan", c'est un "roman graphique" qu'on découvre ... Avis aux amateurs ou aux lecteurs qui n'en ont jamais lu, commencer par celui là permet d'aborder ce genre par la voie royale.
Au fil des deux tomes de BD en forme d'autobiographie, Alan Ingram Cope raconte les évènements importants qui ont marqué sa vie et aussi les anecdotes qui ont façonné son esprit d'enfant et l'ont construit. Comme dans un roman, on voit le personnage s'esquisser à petites touches, au gré des moments forts de son histoire, notamment la guerre de 39-45. Tandis que le temps passe inexorablement. Comme dans un roman, il y a des moments chargés d'émotion, humoristiques ou philosophiques. On a parfois l'impression qu'Alan entrouvre délicatement une porte sur lui même et nous permet de mieux le connaitre ... Délicieux et émouvant.
L'auteur des deux tomes, Emmanuel Guibert, a un jour rencontré Alan dans les rues de l'île de Ré, en lui demandant son chemin et, comme il dit, "une amitié nous est tombée dessus". Alan, l'américain amoureux de la France, a raconté tout plein d'anecdotes sur sa vie à Emmanuel et l'idée a germé de faire un livre ensemble ...
Difficile de résumer une vie !  Difficile de résumer une amitié ! Difficile de résumer ces deux très beaux albums !
Ils dégagent une grande humanité, beaucoup de modestie et de générosité et de la poésie à travers les illustrations. Les choses très simples de la vie côtoient les grands principes qui font les hommes ... et leur confèrent leur dignité.
Les 2 tomes révèlent aussi, en creux, la finesse, la sensibilité et la capacité d'Emmanuel Guibert à saisir les sentiments et à les transcrire.
A lire, absolument, un vrai bonheur !
Merci à mes enfants qui me l'ont fait découvrir.
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lundi 1 décembre 2014

Nageur de rivière de Jim Harrison

Trad. Brice Matthieussent, Flammarion, 2014, 256 p., 19,90€
Deux histoires se suivent, deux américains en sont les héros, l'un au début de sa vie, l'autre vers la fin.
Tous deux vivent ou ont vécu à la campagne et ils se sont construits avec la nature environnante.
Dans le premier récit, Au pays du sans-pareil, Clive, expert en art/professeur d'université, revient sur les lieux de sa jeunesse et redécouvre avec bonheur, grâce à un environnement calme et champêtre, les plaisirs simples.
Dans le deuxième récit, Nageur de rivière, Thad, nageur passionné qui veut devenir hydrologue, ne réussit pas à s'éloigner de sa campagne natale.
La nature fait partie intégrante de leur identité ; la flore, la faune et les humains qui y vivent leur sont, finalement, indispensables.
C'est de l'identité américaine qu'il s'agit et on sait combien les américains aiment leurs grands espaces somptueux, leur nature omniprésente ...
Un roman très humain mais qui ne m'a pas "embarquée", hélas. Peut être parce que certaines considérations m'ont paru bien rebattues, telles que la vacuité de la vie moderne ou la dureté des relations humaines en ville ...
Pour les inconditionnels de Jim Harrison, et il y en a beaucoup !
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vendredi 14 novembre 2014

Réparer les vivants de Maylis de Kérangal

Ed. Verticales, Gallimard, 2014, 280 p., 18,90€
On aime ou on n'aime pas Maylis de Kérangal, son style qui va droit au cœur, qui prend les tripes, qui vous transporte, vous brusque et vous chamboule. Ses phrases au présent, courtes, hachées ou parfois s'étirant sur plusieurs lignes, soufflant le chaud, soufflant le froid !
Mais il faut reconnaitre qu'elle sait, comme nulle autre, vous faire sentir l'urgence des situations, la force des sentiments et la cruauté de la vie. En lisant ses romans, on se sent ... vivant.
Et justement, ça tombe bien car le thème de "Réparer les vivants" est la transplantation d'organes, du problème moral et affectif en passant par l'organisation technique jusqu'à l'intervention elle même. Et là encore, l'auteur vous communique la passion de ses personnages, leur rage, leur envie de réussir, leur fatigue aussi.
Au delà de l'aspect très documenté qui montre combien chaque minute compte pour la vie, on n'est plus tout à fait le même lorsqu'on a fini ce roman : on a souffert avec la famille du donneur, souffert avec le receveur, espéré avec les techniciens, les médecins, les infirmiers. Ouf ! C'est fini et tout est à sa place à la page 280.
On est bien peu de chose et surtout, surtout on dépend tellement des autres ... Une belle chaine de la solidarité où chacun laisse ses  problèmes de côté pour sauver une vie. Très beau, très émouvant.
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jeudi 9 octobre 2014

Les autodafeurs, tome 2, Ma soeur est une artiste de guerre de Marine Carteron

Ed. du Rouergue, 372 p., 2014, 14,90€
Une suite pleine d'allant et de panache au tome 1 !
Gus et Césarine nous entraînent dans une avalanche d'aventures et ne nous laissent aucun répi !
Les personnages s'étoffent, les deux héros décident de devenir pleinement acteurs de leur vie ... qui se complexifie nettement et le procédé comique, déjà utilisé dans le tome 1, joue à fond pour dédramatiser des situations parfois très dangereuses.
Césarine prend tout au pied de la lettre, pas de sens figuré pour elle, pas de sentiments gnangnans, pas de conventions sociales superflues, seulement une logique implacable et un raisonnement carré. Ce décalage avec son entourage fait naitre quelques quiproquos hilarants et son personnage se positionne petit à petit au centre du récit.
Pour résumer : action débridée et humour fin. Et toujours une lutte sans merci contre les élitistes de la culture qui montent une sombre machination pour devenir les maitres du monde et posséder les sources d'information.
Du nanan, à déguster sans modération ... Vivement le tome 3.
A avoir en CDI, bien sûr !!!!
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lundi 6 octobre 2014

Intemporia, t.1 Le sceau de la reine de Claire-Lise Marguier

Ed. du Rouergue, coll. épik, 2014, 534 p., 17,50€
Premier roman d'une nouvelle collection au Rouergue, "Epik", collection de SF et fantasy.
Intemporia, Le sceau de la reine nous embarque dès les premières lignes, avec son style fluide, élégant, avec sa construction limpide et ses personnages qui s'affinent au fil des chapitres.
Yoran, 16 ans, est un garçon ordinaire qui mène une vie tranquille dans le petit monde de "La Plaine", société agricole où les habitants mènent une vie simple, protégée du reste du monde par un dome magique qui les isole.
Mais voilà qu'une maladie inconnue commence à faire des ravages parmi les habitants et atteint même sa jeune épouse, la belle Loda.
Que faire quand les Anciens ne proposent rien alors qu'ils savent que la terrible reine Yélana est à l'origine du mal ?
Yoran hésite longuement puis finit par décider de partir demander des comptes à la cruelle Yélana.
C'est une vraie initiation qu'il va vivre, en quittant son cocon et en découvrant un monde tyrannisé par la reine, un monde souffrant dont il n'avait jamais voulu se préoccuper. Il va devenir adulte ...
Des rencontres avec des êtres bienveillants et d'autres malveillants portent ses aventures et emportent le lecteur sans temps morts.
Antihéros au début du roman, Yoran va montrer une générosité et un courage insoupçonnés et devenir petit à petit un vrai héros, de ceux qui se révèlent au fil des évènements, de ceux qui doutent parfois, de ceux qui sont profondément humains.
Aurions nous fait les mêmes choix que lui, sommes nous d'accord avec lui, qu'aurions nous fait à sa place ? Le roman sait habilement susciter cette réflexion chez le lecteur.
En prime, en fin de roman, une découverte pleine de poésie et de merveilleux que j'ai adorée ...
J'attends la suite avec impatience.
Une nouvelle collection dont on a envie de connaitre les romans suivants ...
Chouette pour le CDI, dès la 4e.

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jeudi 2 octobre 2014

Miséricorde de Jussi Adler-Olsen

Livre de poche, 2011, trad. Monique Christiansen, 7,90€
Grand prix des lectrices de Elle 2012, Prix des lecteurs du Livre de Poche 2013 (catégorie polar)
Il faut reconnaitre que ce polar danois fait mouche dès les premières pages.
De facture classique, il nous immerge dans une intrigue bien emmêlée et surtout dans les problèmes personnels du policier Carl Morck.
Le pauvre est submergé par les soucis : une ex-femme pot de colle, un traumatisme lié à une affaire qui a mal tourné, un beau fils qui n'en fait qu'à sa tête et s'obstine à vivre chez lui, un colocataire déjanté, des collègues qui le détestent ... Cela suffirait à tout être humain normalement constitué mais voilà de surcroît qu'on le bombarde responsable du département V, celui des "cold-cases". Et qu'on lui adjoint un homme de ménage au passé obscur qui entend participer activement aux enquêtes !
Trop c'est trop et notre "faux blasé-vrai dépressif-qui refuse obstinément de suivre une thérapie" finit par se plonger aveuglément dans une enquête bien compliquée pour oublier tout ça. Sans y arriver totalement bien sûr. Pourtant elle était bien jolie et bien intelligente cette Merete Lyyngaard, promise à un haut poste politique et disparue mystérieusement sur un ferry ...
Seul bémol, pour moi : on ne voit pas grand chose de la société danoise. Et pourtant, on a eu Borgen, la série TV qui nous a montré combien le scanner social peut être passionnant ;o)
Heureusement, la qualité de la traduction assure un style fluide et le roman tient en haleine.
C'est le personnage principal, en définitive, qui fait tout l'intérêt du roman. Antipathique au début car désagréable avec tout le monde, on finit par l'apprécier grâce à un portrait qui s'affine et dévoile, au delà du bougon misanthrope, un tendre avide de justice. Évidemment !

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dimanche 21 septembre 2014

Les saisons de la solitude de Joseph Boyden

Trad. Michel Lederer, livre de poche, 2011, 475 p., 7,60€
Joseph Boyden joue dans la cour des grands, des grands écrivains. Pour plusieurs raisons.
Tout d'abord il a son univers, celui des indiens cree et ojibwé et celui de la baie James, au Canada. Ensuite, il a un objectif, un "devoir de mémoire" : raconter l'histoire des Indiens, lui même étant d'origine indienne par sa mère.
Enfin, loin de toute idéalisation, il décrit les modes de vie et le choc des cultures occidentales et indiennes.
Il nous a donné une trilogie magnifique, non chronologique : Le chemin des âmes (la guerre de 14-18), Les saisons de la solitude (de nos jours) et Dans le grand cercle du monde (XVIIe siècle).
Tout est bon chez lui, tout est à lire et tout nous emporte auprès d'une société qui fut sacrifiée aux intérêts matériels des "Blancs". Ces Blancs rusés qui surent utiliser les faiblesses des Indiens : cupidité, désir de possession, hostilité entre tribus pour s'implanter et réduire à l'impuissance un peuple autrefois fier, parfois dur et toujours proche de la nature.
Dans "les saisons de la solitude", une nièce et son oncle croisent, de nos jours, leur expérience de la violence du monde occidental ... un monde qui est le leur sans l'être tout à fait car ils n'ont jamais oublié d'où ils viennent.
"Les saisons de la solitude" n'a pas détrôné "Le chemin des âmes" qui reste pour  moi le roman préféré de la trilogie, bien qu'on lui ait reproché d'être parfois mystique (ce n'est pas mon avis et c'est un autre sujet !).

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jeudi 28 août 2014

Calpurnia de Jacqueline Kelly

Trad. Diane Ménard, l'Ecole des Loisirs, 2013, 416 p., 19€
Calpurnia n'aime pas tricoter, déteste broder, rate tous ses plats en cuisine, joue mal du piano ... et toutes les activités ménagères que lui impose sa mère l'ennuient prodigieusement. Ajoutez à cela un sens aigu de l'injustice et une intelligence vive ainsi qu'une curiosité insatiable. Pour cette adolescente de 11 ans vivant au Texas en 1889, affublée de 6 frères, la vie ne s'annonce pas facile.
Son rêve ? Devenir une scientifique, suivre des études à l'université alors qu'on la voudrait mariée et soucieuse de tenir sa maisonnée ! Et continuer la découverte du monde qui l'entoure, découverte initiée par son grand père, le fantasque Mr Tate, avec qui elle observe le règne animal et végétal et découvre la méthode scientifique.
Insoucieuse de son apparence, elle stocke des grenouilles dans sa chambre, revient échevelée de ses balades dans la nature environnante et riche de sa liberté. Calpurnia est aussi une sœur attentive et généreuse qui utilise son intelligence pour aider ses frères tandis qu'elle pose un regard critique et souvent étonné sur le monde des adultes.
Elle porte le prénom de la dernière femme de César et ce n'est pas pour rien : elle va devoir défendre habilement ses projets ! Mais comment ? Qui l'aidera ? Pas de réponse dans ce tome qui, je l'espère, n'est que le premier d'une série.
Un roman plein d'humour, de fantaisie et de finesse où l'on apprend pas mal de choses sans y prendre garde.
Un roman pour tous. Pour les adolescentes parce qu'il offre un exemple d'émancipation et pour les adolescents parce qu'il leur rappellera qu'il n'y a pas de bonheur sans liberté de choix. Et vice versa ;o)
Un vrai coup de cœur.
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mercredi 27 août 2014

Le sanglot de l'homme noir d'Alain Mabanckou

Fayard, 2012, 181 p., 15€
Essai.
Alain Mabanckou s'interroge sur ce qu'est être un homme noir, un écrivain noir dans un monde et une société dominés par les blancs.
Alternant réflexion autour de thèmes développés par d'autres auteurs noirs et récits de rencontres intéressantes, tour à tour avec humour et conviction, il dénonce le racisme rampant, défend la liberté de création et le droit d'écrire dans la langue de son choix, y compris en français ... sans nier la responsabilité des africains eux mêmes dans leurs difficultés actuelles.
L'universitaire à la casquette n'oublie jamais combien ses frères noirs attendent de lui qu'il porte leur
parole ...
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samedi 5 juillet 2014

La petite fille en rouge de R. Innocenti et A. Frisch

Trad. Catherine Gibert, Gallimard Jeunesse, 2013, ill. Roberto Innocenti, texte Aaron Frisch, 13,90€
Un bel album, presque carré, un format qui met en valeur illustrations et textes et qui permet une belle mise en page, précise et ample.
Les textes sont placés dans des cartouches colorés, le plus souvent en bas de page, ils sont couplés avec les grandes illustrations saturées de détails qui plairont aux petits (et aux grands !).
La priorité est donnée aux illustrations ... croit on !
Or le texte reprend ses droits très vite car il complète parfaitement l'histoire, une version citadine du Petit Chaperon Rouge.
La forêt ? C'est la grande ville que Sophia traverse pour aller chez sa grand-mère, les dangers y pullulent. Maisons et immeubles sont délabrés, les rues sales, bondées ou désertes, envahies de publicités criardes, les galeries marchandes tentantes, les spectacles de rue fascinants, les nombreuses voitures menaçantes, on devine le bruit incessant, certains quartiers sont mal famés, le ciel est toujours gris, lourd, plombé. Et l'adulte qui sauve la pré-adolescente des loubards ressemble fort à un loup ...

Voilà une version du conte de Perrault tout aussi cruelle, où la leçon reste la même : le jeune lecteur comprend bien vite que pour survivre dans un monde pareil, les enfants doivent se méfier de tout et de tous.
Leçon terrible mais leçon salutaire car ce monde est le notre ! Deux fins sont proposées ...
Parfois on est au bord du mauvais goût : trop de détails, formes trop rondes, accumulation de couleurs criardes en opposition à un ciel trop sombre, mais il m'a semblé reconnaitre alors le monde de "Blade runner" (film de Ridley Scott), dans un futur saturé, dangereux et fou ... Une sacrée ambiance.
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Le quatrième mur de Sorj Chalandon

Editions de la Loupe, 2013, 385 p., 21,60€
Georges, metteur en scène de théâtre français, part à Beyrouth pour monter Antigone d'Anouilh. Il exauce ainsi le vœu de son ami Samuel, entrain de mourir. Les acteurs viennent de tous les bords, toutes les religions sont représentées et la pièce devient symbole vivant de la résistance à la violence, à l'injustice. Cette "trève poétique" est l'expression du désir de paix et de tolérance des hommes.
Mais c'est justement le moment de l'offensive israélienne de 1982. Georges est rapidement confronté à l'horreur de la guerre à travers la mort de certains des acteurs lors des massacres de Sabra et Chatila. Il y est aussi confronté personnellement. Ses amis libanais le forcent à partir ...
A son retour en France, il ne supporte pas la vie douillette qui l'attend à Paris. Tout s’emmêle dans son esprit et des traumatismes liés à la violence naissent culpabilité et dépression.
Un roman très lourd, oppressant, comme la violence elle même que l'auteur sait nous faire vivre à travers les mots.
Attention, une belle lecture ...  mais très dure !
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samedi 28 juin 2014

La nueve de Paco Roca

Delcourt, coll. Mirages, 2014, 313 p., 29€

Trois bonnes raisons de lire "la nueve", roman graphique historique en hommage aux républicains espagnols ...

UN : un thème original ...
C'est la fin de la guerre civile espagnole. Dans le port d'Alicante, des milliers de républicains avec leur famille attendent d'hypothétiques bateaux qui viendront les sauver des geôles franquistes ou du peloton d'exécution ...
Et voilà que commence l'odyssée des républicains anarchistes et communistes ...  Après maintes péripéties, certains furent parmi les premiers à  libérer Paris avec la 9e DB en août 1944. Sur leurs chars, ils avaient inscrit les noms des grandes villes espagnoles où ils croyaient rentrer rapidement, avec l'aide des alliés : une fois les nazis battus viendrait le tour de la dictature franquiste ... Espoir déçu. Une part d'histoire méconnue.
Grâce à un travail de documentation et d'archive impressionnant, la bande dessinée fourmille d'informations très précises qui alimentent tout naturellement le récit, sans l'alourdir.

DEUX : un beau portrait ...
De nos jours, un jeune écrivain recherche pour son travail Miguel Ruiz, un vieil anarchiste espagnol qui vit dans une petite ville française et qui aurait été un héros de la seconde guerre mondiale ...
Miguel existe bien mais, âgé et fatigué, il rechigne à le recevoir. Cependant le jeune homme sait le convaincre et un long récit, empreint d'émotion, rythmé par les souvenirs commence.
Le personnage de Miguel est attachant. Comme tous les républicains exilés, tous les combattants qui ont perdu leur bataille pour la démocratie, il a été meurtri et, s'il ne renie rien de ce qu'il a vécu, il pense que tout est tombé dans l'oubli.
Très beau portrait d'un homme courageux, engagé et entièrement dévoué à la cause de la liberté, à qui il a sacrifié sa vie. Ils furent nombreux ...


TROIS : un dessin expressif et un scénario au cordeau ...
Le récit est mené sans temps morts, il suit la chronologie historique globalement mais est émaillé de flash back qui soulignent des faits importants.
L'auteur a le goût du détail dans ses dessins et cela est souvent bien plus parlant que des mots, notamment quand il est question des conditions de vie.
Un beau dessin, bien mis au service de l'histoire et bien complémentaire, où même les couleurs jouent un rôle.
Une œuvre qui fait un tout très construit et très achevé. J'ai beaucoup apprécié la cohérence de l'ensemble qui révèle un gros travail en sous-main.
L'auteur, Paco Roca, est un auteur de BD engagé et reconnu en Espagne (il a eu plusieurs prix).
Voir .
Un coup de cœur. A lire ...
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mardi 24 juin 2014

Les autodafeurs de Marine Carteron

Ed. du Rouergue, coll. doado, 2014, 329 p., 14€
Un bon crû !
Dans le chaudron de Marine Carteron et des Éditions du Rouergue, mijotent des personnages aux petits oignons, des gentils et des méchants bien identifiés, une intrigue prenante, quelques  pincées de fantaisie et d'originalité ... Tous ces ingrédients font que j'ai dévoré les "autodafeurs" et que j'attends avec impatience les 2 tomes à paraitre.
La vie d'Auguste Mars, 15 ans, bascule le jour où son père meurt dans un accident de voiture. Sa mère, sa sœur Césarine et lui, dévastés par le chagrin, vont emménager chez ses grands-parents à la campagne. Auguste regrette Paris et ses copains mais les évènements s'enchaînent bientôt à toute vitesse et il n'a bientôt plus le temps d'y penser. En effet, les autodafeurs s'attaquent aux archives et aux livres car ils savent que la connaissance, c'est le pouvoir et le pouvoir doit rester aux mains des nantis ! Auguste a du boulot ...
Mon personnage préféré, c'est Césarine.
Elle souffre du syndrome d'Asperger (dans la famille, on dit avec tendresse qu'elle est "artiste") et fait preuve d'un bel esprit concret et logique qui pousse le raisonnement aux frontières de l'absurde. Elle nous fait souvent sourire en prenant au pied de la lettre les expressions imagées de la langue française et les habitudes pas toujours rationnelles des adultes. Dans un monde angoissant, ses crises de panique nous deviennent souvent très compréhensibles. Un joli personnage, attachant.
Le copain "Néné", balourd au début du roman, révèle des ressources inattendues. Et la famille du héros ne ressemble à aucune autre.
Joli rythme, humour et action, un style bien adapté aux ados de 11 à ... bof, y a pas d'âge limite !
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dimanche 22 juin 2014

Rose sang de Annabelle Demais

Archi poche, 2014, 210 p., 7,65€
Pas de coup de cœur pour ce polar marseillais dont l'héroïne est journaliste, comme son auteur. Mais ...
Style coup de poing, récit sans temps mort.
Même si le lecteur a déjà entendu les considérations sur Marseille et les cités, sur les difficultés du métier de journaliste et sur la collusion des milieux culturel et politique ... Annabelle Demais est sympathique et correspond à la loi du genre : désenchantée, indépendante, obstinée et n'aimant pas se laisser marcher sur les pieds. On l'aime, quoi.
Rien de nouveau sous le soleil marseillais mais tout de même, une somme d'infos cohérentes et qui brossent un portrait réaliste de notre belle cité, victime de profiteurs de tous poils, depuis si longtemps.
Et en prime, on a le plaisir de suivre les aventures de la belle Demais sur des lieux que nous connaissons tous et qui révèlent une vraie connaissance de Marseille.
Le point faible pour moi : l'intrigue, au final assez légère, loin des tenants et aboutissants marseillais. Mais le fait divers est le quotidien du journaliste et de l'enquêteur, même à Marseille !

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mercredi 4 juin 2014

Les petits ruisseaux de Rabaté

Ed. Futuropolis, 2006, 94 p.,
Lecteur, tu auras déjà une petite idée de la BD en lisant le sous-titre en couverture :

SEX
on fera ce qu'on pourra
DRUG
surtout contre le cholestérol
AND ROCK AND ROLL
je suis meilleur en musette

Tu as compris que tu n'as pas à faire au perdreau de l'année ...
Emile a perdu sa femme, il lui reste ses copains de bar, la pêche à la ligne et ... une petite vie de retraité trop étroite.
Quand il découvre la vraie nature de son pote Edmond, peintre érotique et coureur de jupons discret,   une petite lueur commence à poindre dans son esprit assoupi. Quelques belles rencontres, un sursaut de désir et le voilà parti vers une nouvelle vie, au mépris de ses bobos physiques et des tabous qu'il s'était imposés ...
Le pragmatisme et la sobriété des dialogues rendent bien la nature réservée et pleine de bon sens du retraité, ainsi que des expressions vieillottes savoureuses.
La BD illustre à merveille, avec délicatesse, l'idée que la vie nous réserve toujours des surprises, jusqu'au bout, pourvu qu'on reste à l'écoute des gens qui nous entourent.
Des surprises ... à la mesure de nos possibilités ;o)
Un bonbon.
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mardi 20 mai 2014

Thérapie de David Lodge

Trad. Suzanne V. Mayoux, Ed. Rivages, 1996, 360 p., maintenant en poche 9€30
Petite déception à la lecture de ce roman dont on m'avait dit beaucoup de bien.
Bien sur il y a beaucoup d'humour mais les malheurs à répétition de ce scénariste TV anglais un peu bobo ne m'ont pas passionnée ...
Alors que Lawrence mène une petite vie bien tranquille, son genou commence à le faire souffrir, annonçant des complications qui s'enchaînent : l'héroïne de la série qu'il écrit arrête brusquement le tournage, le producteur cherche un autre scénariste, sa femme le quitte et, sans trop savoir pourquoi, toutes ses relations avec les femmes sont vouées à l'échec.
D'un bonheur trop tranquille, il passe à une inquiétante insécurité. Et la lecture de Kierkegaard ne l'aide pas le moins du monde !
On pense parfois à Woody Allen avec qui le héros partage des angoisses existentielles.
Mais pas de souci, le héros, bien que philosophe ou parce que philosophe, est un bon vivant qui va vite trouver une solution à ses problèmes, par lui même et sans l'aide des multiples thérapies qu'il a commencées ... d'où le titre.
A lire pendant les vacances, sur la plage.
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dimanche 18 mai 2014

Mémoires de porc-épic d'Alain Mabanckou

Seuil, 2006, 228 p., 16,50€
Prix Renaudot 2006
Un récit plein de fantaisie où l'humour jaillit lorsque A.M mêle merveilleux africain et considérations pragmatiques sur la vie des hommes ...
Kibandi vit dans un village du Congo. Son père qui pratique la magie, lui a attribué un "double maléfique" incarné par un porc-épic ainsi qu'un double tout court qui ressemble à un fantôme. Le porc-épic doit tout faire pour satisfaire son maître humain, tandis que le double se nourrit des mauvaises actions commises. Et son appétit insatiable entraine Kibandi dans une escalade vers le mal qui ne connait plus de limites ... Comment tout cela finira-t-il ?
Le porc épic, héros de l'histoire, se confie à un baobab géant pour soulager une conscience bien lourdement chargée. Il raconte comment sur ordre de son maitre, il tue régulièrement ceux qui l'ont contrarié ou vexé. Même les personnes les plus innocentes y passent, prises dans les rouages de la vengeance.

Mêlant croyances africaines ancestrales, raisonnements pragmatiques, causticité des réflexions sur les travers humains et références à la littérature mondiale, Mabanckou nous plonge dans un univers proche à la fois de la fable philosophique et du conte africain.
Comme l'homme qu'il soit européen ou africain (ou autre!), le porc-épic ne se révolte pas contre son maitre car le poids de la tradition et des croyances l'en empêche ...
Un sujet original servi par un style non moins original où seule la virgule ponctue le texte. A lire pour sourire et s'approprier une réflexion universelle sur les hommes et l'obéissance.
A lire après "Verre cassé" car "Mémoires de porc-épic" en est la suite.J'ai commencé par la fin, zut.
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samedi 17 mai 2014

Amkoullel, l'enfant peul de Amadou Hampâté Bâ

Livre de poche, 2010 (1ère parution 1991 chez Actes Sud), 442 p., 7€
Amadou Hampâté Bâ est un conteur/ethnologue malien, né "vers" 1900 à Bandiagara et décédé en 1991 à Abidjan, Côte d'Ivoire.
Dans ce roman autobiographique, il nous entraine à sa suite dans l'Afrique de l'Ouest du début du 20e siècle et plus précisément, dans la région qui est aujourd'hui le Mali.
Plongée, immersion, on l'appellera comme on veut mais le charme a totalement opéré sur moi et je me suis laissée imprégner de ce monde tour à tour coloré, imagé, pittoresque mais aussi injuste et cruel ... Et puis, comment ne pas succomber au plaisir de lire en page 53 l'adage malien : "Tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons, nous le devons une fois seulement à notre père, mais deux fois à notre mère" ;o)
AHB possédait une mémoire hors du commun et toute description chez lui est précise. Il se souvient des moindres détails, des couleurs, des odeurs, des faits et gestes de chacun, grâce, précise-t-il, à l'école coranique où l'enseignement développait la mémorisation orale des versets du coran dès le plus jeune âge.
Le récit, touffu et quelque peu indigeste dans le premier chapitre car il porte sur  la généalogie de sa famille et les rivalités de clan, s'éclaire dès qu'on passe aux souvenirs personnels de l'auteur, à partir de 7 ans quand il commence à aller à l'école coranique.
Vous saurez tout sur les habits, les cases, la façon de procéder pour obtenir une autorisation auprès des responsables officiels, les relations entre les "blancs-blancs" et les "blancs-noirs", le rôle du chapeau colonial, les plats, les transports, la circoncision, les associations de jeunes ("waaldé") etc.
Ce roman est une source infinie de connaissances que le style imagé et humoristique du conteur rend passionnante.
Au goût du détail, AHB allie le bon sens du conteur africain ainsi qu'une philosophie humaniste. Et il ne garde que le meilleur des principes religieux islamiques ...
Mais le récit ne s'arrête pas au pittoresque, il évoque aussi la cohabitation et l'exploitation des noirs par les "peaux-allumées" ou "gobeurs d’œuf" comme étaient surnommés les français coloniaux. La marche forcée vers l'acquisition de la langue française, l'occidentalisation au mépris de la culture africaine, les humiliations quotidiennes et les mauvais traitements, le travail obligatoire, l'enrôlement des fils de chefs pour les former et les faire travailler dans l'administration française et le règne des "petits chefs". Bref la colonisation dans tout son aveuglement, sa cruauté et son injustice.
Il faudrait plusieurs pages pour rendre compte de façon précise du roman.
Un vrai coup de cœur. N'hésitez pas à survoler le premier chapitre si vous vous ennuyez, c'est le moins sympa (quand même utile pour mieux situer l'auteur et sa famille) !
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mercredi 7 mai 2014

Les trois soeurs et le dictateur d'Elise Fontenaille

Editions du Rouergue, coll. doado, 71 p., 2014, 8,70€
Saviez vous que la République Dominicaine et Haïti se partagent la même île, Hispaniola, en mer des Caraïbes ?
Saviez vous que ces deux pays ont connu de terribles dictatures ?
Saviez vous que la journée du 25 novembre a été déclarée "journée mondiale de lutte contre la violence faite aux femmes" ?
Saviez vous que c'est en l'honneur de 3 sœurs, les sœurs Mirabal, originaires de la République Dominicaine, victimes du dictateur Trujillo ?
Un roman petit par le nombre de pages mais grand par ce qu'il nous apprend car il fourmille d'informations précieuses.
Mina vit en Californie. Accueillie par son cousin en République Dominicaine, pendant les vacances, elle découvre le pays dont son père est originaire et dont il ne parle jamais. Son cousin lui fait rencontrer Adela, une vieille dame qui lui révèle le destin de ses 3 sœurs : la belle Minerva, justement la grand mère de Mina, Patria et Maria-Teresa.
Mina découvre alors que l'histoire de sa famille croise l'Histoire avec un grand H.
Servi par un style limpide, le roman aborde le thème de la dictature et celui de la violence faite aux femmes en se basant sur des faits réels. Autant dire qu'il est indispensable pour sensibiliser les ados en CDI et pas que ! Une belle lecture, dès 12 ans.
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mardi 29 avril 2014

Le crime des pères de Michel Del Castillo

Editions du Seuil, 1993, 294 p.
Les récits autobiographiques sont toujours émouvants. Parce que l'auteur livre non seulement son histoire mais ses sentiments, ses joies, ses souffrances et, en définitive, ce qui l'a construit ou ... détruit. Il nous fait pénétrer au plus profond de sa personnalité.
Le roman de Michel Del Castillo n'y échappe pas. Et il émane parfois tant de souffrance de ses lignes que la lecture en devient douloureuse.

Le roman se situe en Espagne, après la seconde guerre mondiale, sous la dictature franquiste.
Entre un père biologique absent et un père de substitution tortionnaire, entre une mère uniquement préoccupée d'elle même et un amour impossible, entre républicains et partisans du caudillo, entre église et révolte, Miguel/Michel, adolescent cabossé par la vie, ne trouve ni affection stable ni  repères. Depuis sa petite enfance, les adultes l'ont toujours déçu, trompé, trahi. Il ne sait plus où aller ...
L'auteur précise, en 4e de couverture, que son roman mêle autobiographie et fiction et que lui même ne reconnait plus les limites de l'une et de l'autre. Une façon de bien nous faire comprendre combien la littérature qui l'a tant aidé compte pour lui !
En lisant son histoire personnelle (), je me suis dit que, finalement, il s'en était plutôt bien sorti ...
A lire quand le moral est au beau fixe, vraiment.
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samedi 26 avril 2014

Trop de bonheur d'Alice Munro

Editions de l'olivier, trad. J. Huet et JP. Carasso, 2013, 315 p., 24€
Qui va deux va trois ...
Après "Amie de ma jeunesse" et "Fugitives", j'ai retrouvé le style précis et concis ainsi que l'empathie habituelle d'Alice Munro pour ses héroïnes tellement humaines.
La nouvelle "Radicaux libres" tient le lecteur en haleine avec maestria : quand un sérial killer débarque
chez une retraitée ...
Toujours pas déçue par « la souveraine de l’art de la nouvelle contemporaine » dixit l'Académie suédoise qui lui a décerné le Prix Nobel de littérature en 2013 ...


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lundi 14 avril 2014

La grâce des brigands de Véronique Ovaldé

Editions de l'Olivier, 2013, 283 p., 19,50€
C'est le premier roman de V. Ovaldé que je lis. Et j'aime !
Le sujet n'est pas très gai mais la façon de le traiter, en gardant de la distance, en donnant vie à des personnages farfelus et terriblement humains, en privilégiant une certaine fantaisie nous permet de garder le sourire ... Ouf, on est en territoire connu : les erreurs et incohérences humaines mais toujours contre balancées par des moments de générosité et d'amour. Tellement agréable en ces temps tristounets !
Le style aéré, simple, qui mêle style direct et récit à la troisième personne rend la lecture légère. La grâce ;o)
La belle Maria Cristina Väätonen, de père lapon et de mère canadienne, va mettre toute sa jeunesse à évacuer une éducation puritaine que sa mère, bigote et peu équilibrée, lui a imposée. En commençant par quitter le Canada et aller vivre à Los Angeles, en écoutant ses désirs et en écrivant un roman autobiographique où elle lave son linge sale familial ... Et ce n'est que le début de l'aventure. Elle va rencontrer un élégant huluberlu et son chauffeur taciturne ...
Une lecture distrayante.
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dimanche 13 avril 2014

Les ombres du Yali de Suat Derwish

Libretto, 2011, 107 p., 6€70

Suat Derwish, auteure turque (qui a vécu en France et a écrit parfois en français), née en 1905 a publié "les ombres du Yali" en 1945.
Elle y raconte le destin de la belle Célilé, en trois étapes : face à son mari, Ahmed, face à elle même et à ses souvenirs d'enfance et face à son amant, Mouhsin, un riche homme d'affaire.
Née dans une famille riche, Célilé, orpheline, est élevée par une grand mère élégante, raffinée et cultivée. Son enfance se déroule dans un yali, une magnifique maison de plaisance au bord du Bosphore, selon les conventions de l'époque : ne pas jouer avec les enfants du jardinier, ne pas se
salir , ne pas crier, ne pas parler fort ... Sa grand mère, sans ressource à la mort de son mari, vend peu à peu tous ses objets de valeur. A la mort de cette dernière, Célilé doit quitter le merveilleux yali.
Elle épouse alors Ahmed, de condition modeste. Mais au bout de 11 années de vie commune, elle tombe amoureuse de Mouhsin et se donne à  lui. Un soir, elle ne rentre pas au domicile conjugal ...
Une histoire banale aujourd'hui mais scandaleuse en 1945 !
Célilé choisit sa vie, choisit d'abandonner les conventions de sa classe sociale (elle va devoir travailler pour subvenir à ses besoions) et ne se soumet pas aux hommes.
Servi par un beau style, simple et expressif, on est frappé par la modernité du propos.
Suat Derwish est morte en 1972, elle a été une journaliste et une romancière engagée à gauche et s'est employée à "faire entendre la voix des femmes turques".
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Fugitives d'Alice Munro

Trad. J.Huet et JP. Carasso, poche, 2008, 381 p., 7,60 €
J'ai bien aimé "Amie de ma jeunesse", j'ai donc suivi le filon "Alice Munro" ... Et me voilà happée par  "Fugitives".
Une séparation difficile, un coup de foudre inattendu, de l'aide refusée à une mourante par sectarisme intellectuel, une mère incapable de faire le premier pas vers sa fille assoiffée de spiritualité, une passion impossible, les souffrances autour de l'adoption, un amour déçu par les hasards de la vie, la peur devant l'irrationnel ... Tels sont les thèmes des huit nouvelles de ce recueil, thèmes bien ancrés dans le quotidien et toujours menés avec délicatesse. Et toujours des héroïnes, angoissées, pragmatiques, culpabilisées, pleines d'entrain, risque tout ou parfois résignées.
Il faut "apprivoiser" les textes d'Alice Munro, la lecture n'en est pas toujours évidente mais au fil des recueils, je suis devenue fan !
J'ai trouvé ce recueil un peu plus ardu que le précédent (Amie de ma jeunesse) mais il reste un bon moment de lecture car chaque nouvelle est un petit monde cohérent qui se clôt vite, où tous les mots importent, où le sens sourd de chacune des phrases.
 Quelle maîtrise.
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dimanche 16 mars 2014

Buvard de Julia Kerninon

Editions du Rouergue, coll. la brune, 2014, 199 p., 18,80€
Qui est l'insaisissable Caroline N. Spacek ? Qui se cache derrière l'auteure douée et prolifique, l'éternelle révoltée, la résiliente ? 
Étonnamment, l'écrivaine à la vie cabossée va se confier à Lou, jeune étudiant fasciné par son œuvre. Pourquoi lui ? Parce qu'elle a senti chez lui la même faille qu'en elle, celle de l'enfance ratée qui lui fait dire : “Quand j'étais une enfant, ce n'était pas possible d'être une enfant parce que j'étais toujours confrontée à des problèmes d'adultes, des questions de survie élémentaire” ...
Quand Caroline a commencé à écrire, cela s'est imposé à elle comme une nécessité impérieuse, une nécessité qui lui a permis de supporter le quotidien et son lourd passé. Mais rapidement les exigences de l'écriture ont fait d'elle leur esclave, créant leurs propres contraintes et entrainant leurs propres souffrances. Caroline a du tout leur sacrifier tel un drogué à son addiction, elle n'a pas eu le choix. 
Belle réflexion sur l'écriture qui tient en haleine comme un thriller, style percutant allant droit au cœur.
Un beau premier roman que j'ai lu d'un trait.
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vendredi 14 mars 2014

Chouette divorce ! d'Isabelle Minière

Editions du Rouergue, coll. dacodac, 2014, 74 p., 7€
Un très joli roman, tout en finesse et sensibilité, qui, à petites touches, raconte comment Léo vit le divorce de ses parents.
D'abord, il n'y croit pas du tout car ses parents passent leur temps à faire des blagues. "En voilà une de plus" se dit-il. Mais il doit se rendre à l'évidence quand il apprend que son père a une amoureuse et sa mère un amoureux, quand il apprend qu'il va les rencontrer et partager leur vie, qu'il aura deux maisons ... Tout cela bouscule son quotidien, lui demande de s'adapter, lui qui n'a rien choisi de tout cela. Rien n'est simple même si son père et sa mère se séparent en bonne intelligence et si tout le monde fait des efforts pour que tout se passe bien.
 Léo essaie de faire bonne figure mais le cœur n'y est pas ! Heureusement, il peut en parler avec son copain Quentin dont les parents se sont aussi séparés ...
A mettre entre toutes les mains des enfants dont les parents se séparent car ce petit livre, plein de tendresse et bien utile, les aidera à ne pas culpabiliser et à mettre des mots sur ce qu'ils ressentent.
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samedi 15 février 2014

Amie de ma jeunesse d'Alice Munro

Trad. Marie-Odile Fortier-Masek, poche, 1990/2013, 352 p., 7,40€
La canadienne Alice Munro, 83 ans, prix Nobel de littérature 2013, écrit des nouvelles, des nouvelles, et encore des nouvelles. Pour notre plus grand plaisir.
Ce recueil rassemble 10 récits où les amitiés de jeunesse jouent un rôle. Forme oblige, l'auteur nous fait réfléchir sur les relations humaines, sur notre formidable capacité à nous fourrer dans des situations qui nous font souffrir, sur notre incroyable complexité. Mais elle le fait avec délicatesse, avec indulgence, se reconnaissant certainement au passage dans certains de ses personnages, essentiellement féminins.
Comment l'être humain peut il oublier qu'il va mourir un jour et gâcher ainsi sa vie, semble se demander Alice Munro à travers le personnage de Georgia ? Servi par un style magnifique, précis, varié, très vivant, ces nouvelles nous donnent la réponse : parce qu'il est homme, tout simplement ...
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vendredi 14 février 2014

Shameless de Paul Abbott

Puisque, je l'avoue, je passe plus de temps à regarder des séries TV qu'à lire, puisque je suis une "sérievore", puisque certaines offrent des qualités dignes des classiques du cinéma ...

en voilà une, particulièrement déjantée, Shameless !


Mise en scène par le britannique Paul Abbott, qui a déjà  réalisé la version anglaise en 11 saisons (grand succès mais rythme plus lent), Shameless version us, raconte la vie d'une famille foutraque comptant un père alcoolo, une mère psychologiquement instable et absente, leurs 6 enfants et un couple de voisins.
La série se construit autour de deux personnages antagoniques : le père indigne, Franck Gallagher, alcoolique impénitent, égoïste, drogué, allant de combines minables en trafics ratés et la sœur aînée au grand cœur, Fiona, qui assure depuis l'âge de 15 ans le gîte, le couvert et l'éducation de ses 4 frères et de sa petite sœur en essayant d'échapper aux services sociaux.
Semblable en cela aux séries récentes de qualité,
Shameless développe ses personnages au fil des épisodes. Ainsi découvre-t-on Fiona, ses amoureux et ses combines quotidiennes,  Lip, l'aîné des garçons, brillant et pragmatique, Ian homo qui s'assume, Debbie la petite sœur gentille et généreuse qui amorce sa crise d'adolescence, Carl dont la violence latente trahit les problèmes psychologiques et Liam, le petit dernier à la peau noire dont il est plus qu'improbable qu'il soit le fils de Franck.
Au royaume des Gallagher, la débrouille (souvent limite) est reine parce qu'il n'y a pas d'argent bien sûr. On est au-delà du politiquement correct : exploitation des faibles ou des sans papiers, exploitation de la générosité, vol facile et j'en passe.
Mais les règles intra-familiales sont claires et connues de tous : solidarité, respect, affection. Seul le père les enfreint et les enfants se chargent de le lui faire payer régulièrement !
Aux USA, on peut être blanc, pauvre et méprisé.
On peut habiter dans un quartier qui craint.
On peut vivre dans la promiscuité et avoir des parents totalement irresponsables.
Alors, comme le dit Lip à Fiona, pour gagner de l'argent les pauvres n'ont que deux solutions : voler ou arnaquer. Cruelle vérité ! Et personne ne sort indemne d'un tel fonctionnement car Shameless ne se déroule pas à Disneyland et chaque membre de la famille souffre. Alors intervient la règle absolue : les Gallagher ne se laissent jamais abattre et font toujours face.
Mais si les conventions sont abolies dans la famille
parce que, tout simplement, avec des parents pareils les limites deviennent mouvantes, parce qu'on n'a pas les moyens, le temps ou l'envie de les respecter ... on n'oublie jamais les vraies valeurs, celles  qui comptent dans les relations avec l'entourage. Technique de survie éprouvée en milieu hostile.
Situations hilarantes ou tragiques, passages très très trash, allusions sexuelles débridées ... tous les ingrédients sont réunis pour un non conformisme des plus réjouissant qui fait de Shameless un OVNI dans le ciel américain, antithèse des séries guimauves où apparaissent ados et enfants. Avec de la tendresse en prime. Et d'excellents acteurs, particulièrement W.H. Macy, éblouissant Franck dont le visage se marque au fil des cuites et des épisodes.
Délectable même si les épisodes sont inégaux ! Au moins jusqu'à la saison 3. La 4e commence juste.







Le jour du slip / Je porte la culotte d'Anne Percin et Thomas Gornet

Éditions du Rouergue, coll. boomerang, 2013, 62 p., 6,50€
Un joli petit objet d'abord, qui se lit dans un sens pour la première histoire et dans l'autre sens pour la deuxième. Une collection, "Boomerang", qui augure bien ...
Et deux histoires en prime.
Un beau matin, Corinne se réveille dans la peau de Corentin et inversement. Chacun va découvrir (parfois étonné car on s'étonne facilement à cet âge là) la façon de vivre de l'autre, ses relations aux copins/copines, aux mamans, ses idées préconçues sur l'autre sexe.
Plein de fraicheur, d'humour et de gaieté, ce roman incite les enfants à la tolérance, à la curiosité des autres, à bousculer nos préjugés. Nos différences sont notre richesse, notre capacité à comprendre les autres aussi. Dans l'égalité ... Merci aux éditions du Rouergue de le rappeler. Salutaire.
Je connaissais déjà Thomas Gornet et Anne Percin qui réalisent ici un roman à 4 mains plein de finesse.
A mettre entre toutes les mains de 9 à ... 99 ans !

 











lundi 10 février 2014

Abracadabra Amanda d'Olivier Pouteau

Ed. du Rouergue, coll doado, 2014, 125 p., 10,20€
Mais qu'est ce qui a pris Léonard ? Voler un morceau d'Amanda pendant le numéro de "la femme découpée" lors d'une fête au collège, quelle idée ! Il n'a presque pas fait exprès, une panne d'électricité et le geste est venu tout seul, il a embarqué la petite boite en bois contenant le cœur de l'adolescente. Le voilà dans les ennuis jusqu'au cou. Même si tous les élèves pensent qu'Amanda la peste l'a bien mérité.
Il avait déjà assez de chagrin avec le décès de sa mère et son père qui ne s'en remet pas ... Heureusement, il y a les copains.
Très joli roman, plein de délicatesse et de fantaisie, sur le deuil, l'amitié, les idées toutes faites sur les autres ... Et ce rêve que nous avons tous eu un jour, quelles que soient nos croyances : que ceux qu'on aime et qui ont disparu nous envoient un petit signe, juste un tout petit signe ;o)
Un plaisir de lecture.
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Olivier Pouteau - Abracadabra Amanda.

mardi 4 février 2014

Une fille nommée Hamlet d'Erin Dionne

trad. de l'anglais (USA) Sandra Lumbroso, Ed. Hélium, 2013, 247 p., 14,50€

Vivre avec une petite sœur surdouée présente déjà bien des inconvénients mais quand à cela s'ajoute des parents profs qui ne jurent que par Shakespeare et s'inspirent du 16e siècle dans la vie de tous les jours ... passer inaperçue au collège devient un casse-tête.
A son entrée en 3e, Hamlet (si si, c'est bien son prénom) voit sa famille envahir son collège : Desdémone, sa petite sœur qu'elle aime beaucoup, y suit des cours d'art et ses parents viennent parler de Shakespeare dans sa classe !
Invivable ! Que faire pour s'en débarrasser ?
Un petit roman agréable qui traduit bien le malaise des ados face aux comportements bizarres ou inappropriés des parents. Tout particulièrement au collège où la règle d'or est de ne pas sortir de la norme ...
Là, franchement, on compatit avec Hamlet, peuchère.
Humour et tendresse, style simple et efficace.
4e / 3e
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vendredi 24 janvier 2014

Pessah 5711 de Gil Ben Aych

Ecole des Loisirs, coll. Neuf, 2013, 93 p., 8,50€
Gil Ben Aych raconte la fête juive de Pessah (Pâques) dans sa famille, en Algérie dans les années 50 jusqu'à nos jours, en France.
Au fil d'un récit en boucle, sont expliqués le calendrier hébraïque, le rituel autour de Pessah, pourquoi on mange certains plats, pourquoi on dit certaines prières et chants. Et l'histoire religieuse vient éclairer les pratiques et les symboles.
Tout cela prend vie à travers les commentaires et anecdotes familiales. L'humour ne manque pas et on n'oubliera pas comment l'auteur entama à l'âge de 3 ans une grève de la faim exigeant son pain au lieu du pain azyme rituel, comment son grand père maternel ordonna qu'on lui donne du pain levé et comment cela fit scandale dans la famille et la communauté juive de Tlemcen.
La disparition des grands parents, le retour périodique des rituels et leur simplification par les plus jeunes nous rappellent la fuite du temps, essence de la condition humaine ... Ne pas oublier d'être tolérant, ne pas oublier ses origines, ne pas oublier ce que l'on est, ne pas oublier que nous finissons tous par mourir ... Un récit plein d'humanité, pas si simple qu'il y parait.
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mardi 21 janvier 2014

Alger la noire de Maurice Attia

Editions Actes Sud, coll. Babel noir, 2006, 392 p., 9€70
Au printemps 1962, Alger s'embrase entre les attentats du FLN, les représailles sanglantes de l'OAS,  les barbouzes de De Gaulle et les autorités qui ne savent plus où donner de la tête. Le quartier populaire de Bab El Oued tremble et se révolte tandis que l'exil des pieds noirs commence ...
Paco Martinez, flic intègre d'origine espagnole, essaie envers et contre tout de mener l'enquête sur l'assassinat d'un jeune couple mixte, lui arabe et elle de la bourgeoisie française. Soutenu par son chef, Choukroun, aidé par Irène sa maitresse indépendante et sensuelle, il va remonter les fils bien embrouillés d'une sombre histoire au fil de laquelle les morts se succèdent ...
Rien n'arrête Paco, hanté par le souvenir de ses parents, père anarchiste espagnol et mère disparue. Un vide qu'il ne réussit pas à combler malgré toute l'affection de sa vieille grand-mère qui l'a élevé. Culpabilité et lassitude mènent ce personnage tourmenté qui sacrifie tout à ses enquêtes.
On vit ces moments d'histoire, entièrement vus du côté pied noir mais sans aigreur et sans désir de vengeance.
Les aventures continuent dans un deuxième tome "Pointe Rouge", aussi captivant que le premier, avec mai 68 en toile de fond et dans un troisième tome "Paris blues" qui nous emmène à la fac de Vincennes dans le milieu maoïste des années 70. On aura compris, à la fin de la trilogie policière, que tous les extrémismes quels qu'ils soient, mènent les hommes à leur perte. Méfiance !
Le mélange de portraits psychologiques subtils et d'histoire contemporaine bien  documentée fonctionne à merveille et s'allie à l'intrigue pour tenir le lecteur en haleine. Le style fluide permet une lecture facile.
Récits pimentés de quelques passages érotiques bien tournés et agréables. Un bonbon ;o)

Merci Ghislaine de m'avoir fait découvrir cette trilogie !
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mercredi 15 janvier 2014

Lumières de Pointe-Noire d'Alain Mabanckou

Ed. Seuil, coll. Fiction & Cie, 2013, 281 p., 19,50€
Que se passe-t-il quand, après 23 ans d'absence, on retourne dans son pays natal, le Congo Brazzaville ? Quand on n'est allé ni à l'enterrement de sa mère ni à l'enterrement de son père adoptif ? Quand on est devenu un écrivain célèbre et que tout le monde le sait ? Quand, chaque jour, on vit avec tellement plus que chaque membre de sa famille ?
Beau récit, empreint de tendresse et de tristesse parfois aussi. L'auteur fait le tour de sa parentèle et des anciens amis de ses parents, alors qu'il séjourne dans une résidence d'artiste à Pointe-Noire.
Les souvenirs affluent, reviennent aussi les anciennes croyances, les superstitions, les terreurs irraisonnées, les contes du passé, les explications poétiques et métaphoriques qui pèsent lourd sur le quotidien ... On est pris par cette ambiance lourde, foisonnante.
Les gens vivent avec peu mais sont heureux des petites choses quotidiennes, des moments simples partagés, ils sont chaleureux. Et ils n'ont pas à lutter quotidiennement pour garder leur dignité, ce que beaucoup d'immigrés doivent faire, souvent sans succès ...
Très beau chapitre : "les enfants du paradis".
A lire absolument pour capter un petit quelque chose de l'Afrique.
Du même auteur, entre autres, "Mémoires de porc-épic", prix Renaudot 2006.
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