Bienvenue à tous ceux qui aiment lire ...

Lire, pour moi, c'est échapper au quotidien tout en restant proche des hommes et de leurs réalités ...

mercredi 23 mars 2011

Antoine et Isabelle de Vincent Borel

Sabine Wespieser Éditeur, 2010, 489 p., 24€
L'histoire démarre en 2001, en Jamaïque. Michel Ferlié, un patron issu d'une vieille famille de soyeux lyonnais, a invité quelques parisiens branchés. Un "jeune qui monte à la télé" tient un discours négationniste, face à un homme dont le grand-père fut déporté à Mauthausen ... Voilà rassemblés les ingrédients du récit.

Vincent Borel alterne alors deux récits s'étalant des années 20 à la seconde guerre mondiale, l'histoire de sa propre famille d'origine espagnole et l'histoire vraie des Gillet, grands patrons à Lyon.
Bien que d'origine très modeste, les deux familles vont faire des choix et connaitre des destins bien différents qui permettent de retracer cette période mouvementée.
Les grands-parents de l'auteur, Antonio et Isabel dont les familles ont fui la misère pour s'installer à Barcelone, vont s'y marier. Antonio deviendra communiste, se battra pour le progrès social, verra la France et l'Angleterre refuser leur aide à la jeune République espagnole, se battra contre l'armée de Franco ... jusqu'à la défaite. Alors, le jeune couple et ses enfants devra quitter l'Espagne pour s'exiler en France, arrivera de justesse à éviter les terribles camps français et Antonio, entré dans la Résistance, sera déporté à Mauthausen. Il en reviendra changé à jamais et devenu "Antoine", il emmènera régulièrement ses enfants et petits enfants visiter le camp ... devoir de mémoire !

Un canut de Lyon, grâce à son ingéniosité et sa curiosité, utilise des procédés chimiques nouveaux dans les textiles et fait fortune. Les Gillet, devenus des patrons paternalistes et durs, dès le début favorables à Hitler, vont se répartir habilement la tâche : le gendre collaborera avec les allemands, allant même jusqu'à produire pour eux du Zyklon B (pour les chambres à gaz) tandis que les frères resteront en contact avec les américains notamment en achetant des brevets de fabrication à Dupont de Nemours, ce qui leur permettra, à la libération, de produire de nouveaux textiles tel le nylon. Il fallait reconstruire le pays et ils ne seront jamais inquiétés. Quelles que soient les vicissitudes de l'histoire, leur ligne de conduite vise le profit !

Le récit de Vincent Borel se caractérise par sa grande rigueur et sa fidélité à l'histoire. Il s'en dégage au premier abord une certaine froideur car il ne décrit que rarement les sentiments de ses personnages. Cela m'a gênée mais, après réflexion, je trouve que ce choix donne de la force à son récit, en forme de nécessaire devoir de mémoire, hommage à ses grands-parents : d'un côté il y a bien eu les salauds (soutenus, en France, par l'écrasante majorité du patronat français) de l'autre les victimes et nous ne devons jamais l'oublier ...

Une courte interview de Vincent Borel :
http://culturebox.france3.fr/all/27571/un-livre-un-jour-antoine-et-isabelle-de-vincent-borel
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mardi 15 mars 2011

A propos du pseudo de Maupassant ...

Je vous avais dit que Maupassant avait d'abord publié les nouvelles de son recueil "Contes de la bécasse" dans 2 revues sous le pseudonyme de "Maufrigneuse".
Par curiosité, j'ai cherché à en trouver l'origine.
La duchesse Diane de Maufrigneuse est un personnage de la comédie humaine de Balzac ! Elle apparait dans de nombreux romans et notamment dans "le cabinet des antiques". C'est une séductrice qui ruine ses amants de la haute société ... Brrrr !

Le treizième conte de Diane Setterfield

Pocket, 2006, 562 p., 7.50€
Déception. Voilà le seul mot qui me vient à l'esprit.
J'avais lu des articles enthousiastes sur plusieurs blogs littéraires, c'est pourquoi je l'ai acheté ... mais un ennui incommensurable m'est tombé dessus à la page 108 exactement ! J'ai bien failli abandonner et c'est cahin caha que j'ai fini ce roman un peu gothique, un peu anglais, un peu psychologique, un peu abracadabrant et surtout vide.
Les personnages évoluent dans un contexte inconsistant, l'auteure les veut originaux voire extravagants mais, pour moi, ils ne sont qu'insipides et sans intérêt. Tout cela se joue dans une ambiance étouffante et triste. Quant à l'intrigue, elle m'a laissée, déconfite, sur le bord du chemin, je n'ai même pas envie d'en raconter le début ...
Désolée,  je ne le conseille à personne même pour la plage ou les vacances ;o)
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vendredi 4 mars 2011

Contes de la bécasse de Guy de Maupassant

Le livre de poche, coll. Les Classiques de Poche, couv. Claude Monet "la chasse", 1998, 2,75€
Après m'être régalée à lire "le coeur glacé", je ne savais pas sur quel livre enchaîner, il fallait un style très
différent ! J'ai opté pour un grand classique, un recueil de nouvelles que j'avais jusque là négligé parce que, étonnamment, je n'ai aucun penchant naturel pour la chasse ...
Le choc fut rude, passer du style romantique et "fleuve" de l'auteure espagnole à celui réaliste et cynique de notre grand Maupassant, c'est faire le grand écart ... Mais je n'ai pu que m'émerveiller devant la précision des descriptions, le sens du détail significatif, les chutes toujours bien amenées, la mise en évidence des travers humains : cruauté, couardise, avarice, égoîsme, méchanceté ...
Toutes les nouvelles se déroulent en Normandie ce qui donne une belle unité au recueil et si les repas de chasseurs en sont le point de départ, aucune ne concerne ces messieurs par la suite. Ouf !!!
Comme souvent à l'époque, elles ont toutes été préalablement publiées dans des revues aux titres évocateurs : "le Gaulois" et "Gil Blas" entre avril 1882 et avril 1883 (souvent sous le pseudonyme de Maufrigneuse) avant d'être réunies en recueil.
Au jeu des "préférées", "Le testament" et "Un fils" ont gagné ; la première parce qu'il s'agit de la vengeance d'une épouse opprimée par son mari et la seconde parce qu'elle nous montre des hommes faibles mais en même temps conscients de leur faiblesse et, du coup, beaucoup plus sympathiques.
Voilà, vous venez de faire connaissance avec Catie la féministe ;o)

mercredi 2 mars 2011

Le coeur glacé d'Almudena Grandes

trad. Marianne Millon, couv. D.Murtagh/Trevillion Images, le livre de poche, tome 1/2, 8€x2, 2008, 629 p.
Une lecture INDISPENSABLE ! Ne vous laissez pas impressionner par l'épaisseur des deux volumes, ça en vaut vraiment la peine !
Almudena Grandes nous offre avec ce roman la rencontre de l'Histoire avec un grand H et du destin individuel, c'est l'alchimie que je préfère en littérature car elle mêle étroitement réflexion et émotion ...
Alvaro Carrion Otero appartient à une famille madrilène de droite qui a bâti sa fortune sur l'immobilier. Raquel Fernandez Perea est issue d'une famille de "rouges", ses grands-parents et ses parents ont du s'exiler à Paris et n'ont pu rentrer en Espagne qu'après la mort du dictateur Francisco Franco en 1975. Rien n'aurait du les rapprocher mais Alvaro s'est toujours senti différent des autres membres de sa famille ...
Parallèlement à la belle histoire d'amour passion, Almudena Grandes noue une intrigue qui lui permet de retracer 70 ans d'histoire de l'Espagne à travers la vie des deux familles de bord opposé : les sombres périodes de la guerre civile, de la seconde guerre mondiale, de la dictature franquiste et l'après dictature.
A lire absolument pour connaitre le destin de ces milliers de personnes qui se battirent pour leurs idées jusqu'à tout perdre y compris la vie, pour comprendre ce que cela signifia de continuer à vivre pour les exilés républicains de 1939, ce que signifia pour eux l'incompréhensible bienveillance des démocraties européennes vis à vis de Franco à la libération, ce qu'ils ressentirent lorsque, enfin de retour en Espagne, ils comprirent que tout avait été fait pour les oublier ... Les héros du roman vérifient à leurs dépends que la vérité et le devoir de mémoire, pourtant indispensables, engendrent aussi douleur et violence. Impossible de tout dire, tant le roman offre de thèmes de réflexion et de sentiments divers tout en nuance. Si on ne peut s'empêcher d'être souvent ému à la lecture, c'est que chaque détail est inspiré de "vraies vies" et il faut absolument lire la note, émouvante, en fin de roman où l'auteur remercie  individuellement les espagnols qui ont accepté de témoigner avec beaucoup de dignité. Poignant et magnifique.
Le titre est un hommage au poète Antonio Machado, mort en exil à Collioure en 1939, qui écrivit : "L'une des deux Espagne saura te glacer le coeur". Quel bel emprunt !

Un seul (tout petit) bémol en ce qui me concerne : des phrases parfois extrêmement longues dont la structure alambiquée m'a quelque fois obligée à relire pour comprendre. Mais dans mon entourage, je suis la seule ; il faut croire qu'on peut aussi se laisser porter par ce flot passionné et bouillonnant à l'image de l'histoire de l'Espagne et des personnages du roman ;o)
Après une lecture aussi prenante, je me demande sur quoi je vais bien pouvoir enchaîner ... C'est le problème avec les "coups de coeur" !
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